Justice - Des médecins seront jugés pour homicide par négligence


12 avril 2016

Le Parquet critique l'anesthésie du patient mort en 2009. Il y a urgence à juger l'affaire: le délai de prescription échoit cet été

La famille du défunt a porté plainte en 2010.
Image: Laurent Guiraud)

Trois médecins sont renvoyés en jugement suite au décès d'un patient en 2009 aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Selon le récent acte d'accusation du Ministère public, le trio d'anesthésistes est renvoyé en jugement pour homicide par négligence. Le dossier aurait pu finir aux oubliettes en raison de la prescription, mais le Tribunal de police s'est empressé de trouver des dates pour ce printemps et le procès aura lieu du 30 mai au 3 juin. Le jugement sera rendu avant la fin du délai de prescription (sept ans), soit le 6 juillet. «La prescription court jusqu'au prononcé du jugement», confirme le pouvoir judiciaire.

«Péridurale inutile»

Le drame du patient a commencé lors d'une soirée de juin 2009 à Rive. Victime d'un malaise, ce retraité de Rolex est emmené aux Urgences le 13 puis aux soins intensifs. «Il avait de la peine à respirer et ne pouvait plus parler», se souvient sa femme, évoquant deux épisodes d'insuffisance respiratoire «qui ont mis sa vie en danger», le 18 juin et le 2 juillet. Les médecins décident de lui enlever un nodule du thymus. Une zone située entre la base du cou et la partie supérieure du thorax.

La veille de l'intervention, son mari était confiant. Le 6 juillet au matin, il entre en salle d'opération. «J'ai téléphoné dans la matinée, poursuit la veuve. On m'a rassurée. A midi, on m'a dit qu'il était en salle de réveil. Même réponse à 13 h puis à 15 h.» Plus tard, un membre du personnel soignant l'informe «que les choses se passent très mal». A 18 h, trois médecins convient l'épouse pour lui dire qu'ils n'ont rien pu faire.

Selon l'acte d'accusation du 24 mars, le «protocole anesthésique» était inadapté, «inutile et insuffisamment efficace»: «La péridurale (ndlr: couplée à l'anesthésie générale) était inutile et exposait le patient à des risques, (...) entraînant une hypotension prolongée.» De plus, écrit le Parquet, les doses anesthésiques et de certains analgésiques étaient insuffisantes. Ce qui a notamment obligé ensuite les médecins à les augmenter. «En raison de l'inefficacité des actes susdécrits», les prévenus «ont recouru au curare, créant un risque d'arrêt respiratoire», note l'accusation.

«Tout a été tenté»

L'opération en tant que telle ne pose pas de problème au Parquet, qui reproche en revanche aux médecins une extubation trop rapide et sans précaution du patient. Ils ne l'auraient pas maintenu sous ventilation mécanique et n'auraient pas diminué progressivement l'assistance respiratoire «comme il aurait fallu». Pour le Ministère public, le patient a été privé «d'une sécurité face aux effets du curare». Résultat, selon le procureur, la victime (64 ans) présente des troubles du rythme cardiaque, une chute de tension et de nouvelles difficultés respiratoires: réintubéation, massages cardiaques, circulation extracorporelle, rien n'y fait. L'homme arrête de respirer, son cœur ne tient pas. Il meurt à 15 h 10. Un décès lié aux actes médicaux et à de la négligence, conclut le Parquet, estimant que les prévenus ont «adopté un comportement propre à entraîner le décès».

Défendu par Me Mike Hornung, Patrick Santilli, fils du défunt, déplore le temps écoulé entre la plainte, en 2010, et le procès. Mes Yvan Jeanneret, Grégoire Mangeat et Michel Bergman, avocats des médecins, présumés innocents, contestent les faits reprochés: «Nos mandants expriment toute leur sympathie à la famille face au drame que représente le fait de perdre un proche. Ce tragique décès n'est dû à aucune erreur ni maladresse de quiconque. Au contraire, face à une situation désespérée, tout ce qui était humainement possible a été tenté pour sauver le patient.»

Délai serré

La prescription dans les affaires médicales est une épée de Damoclès. Le procès en 2015 d'un médecin prévenu d'homicide par négligence s'est déroulé à quatre mois de la prescription. En 2014, un autre médecin mis en cause pour une erreur qui a conduit sa patiente à subir une chimiothérapie sans raison avait été jugé à une semaine de la prescription!
Toujours en 2014, à l'ouverture d'un procès, le juge a constaté qu'on avait atteint la prescription et que le procès ne pouvait avoir lieu. Sept ans de combat pour rien. «Les affaires médicales sont compliquées, confirme Me Michael Rudermann. Elles sont souvent classées, voire aboutissent à l'absolution du médecin, qui bénéficie d'une certaine bienveillance des autorités de poursuite, pénale ou disciplinaire, et d'un certain esprit corporatiste.
Ces procédures font régulièrement appel à des expertises et des contre-expertises mandatées par la justice et les parties. Cela se heurte aux emplois du temps des experts qui peuvent être entendus.» Les expertises sont très complexes et les responsabilités difficiles à établir. «La prescription de sept?ans applicable aux infractions d'homicide ou blessures par négligence intervient rapidement.
Autre absurdité, un patient victime d'une erreur médicale et qui ne s'en rend compte que des années plus tard ne pourra parfois rien intenter pénalement. Car le Tribunal fédéral a précisé qu'en principe, la prescription commence à courir dès la commission ou l'omission de l'acte reproché. Il faut changer la loi.»
Fedele Mendicino


Source: TDG


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